Coupe du monde 2022: Bons baisers de Qatar

Publié le 8 décembre 2022 à 21:15

Les lumières se sont éteintes dimanche 18 décembre 2023 sur les villes incandescentes du Qatar. Pendant un mois entier donc, tous les yeux étaient rivés sur ce Mondial qatari.

Festival de la démesure.

Avec des dépenses d’organisation dépassant les 200 milliards d’euros (une somme qui fait parfois deux fois le Pib de certains pays présents dans la compétition), l’émirat gazier a fait fort.

Petit émirat gazier de 11.586 Km², situé le long du golfe arabo-persique, et peuplé d'un peu plus de 2 millions d'habitants, le Qatar vient de donner une leçon d'opiniâtreté au reste du monde, singulièrement au monde occidental contraint de renoncer à ces prétentions d'uniformisation culturelle et civilisationnelle du monde non-occidental.

Une logistique au cordeau, des stades climatisés équipés du nec plus ultra des installations, le Qatar réussit là une excellente opération en termes de soft power. Surdoué en diplomatie sportive, ce petit pays de 2,5 millions d’habitants, dont à peine 300.000 sont qatariens d’origine, a astucieusement utilisé sa manne gazière pour asseoir un rayonnement multifacette à l’échelle planétaire.

En effet, ceux-là qui n'éprouvèrent hier aucune gêne à attribuer l'organisation de la coupe du monde de football à un pays exotique du point de vue des droits de l'Homme, contre de fortes gratifications financières, croyant s'en servir comme une passerelle pour perméabiliser la culture arabe, demeurée très hermétique, viennent d'essuyer un camouflet cinglant. En effet, ils ont usé de toute pression inimaginable pour contraindre, au nom du droit à la différence le Qatar a toléré certaines pratiques contraires aux valeurs de l’Émirat et de la culture musulmane de manière générale. Oubliant au passage le droit des peuples du Qatar d'être eux-aussi différents.

Cachez cette injustice que je ne saurai voir!

Les campagnes de boycott ayant fait rage quelques semaines avant le coup d’envoi de la compétition en attestent. Les médias ont été mis à contribution pour montrer à quel point ce pays, très conservateur, était intolérant. Ils ont voulu imposer des valeurs universalistes à l’Emirat, faisant fi de celle de l'hôte. Mais c'était mésestimer la détermination de Doha qui a interdit la consommation de l'alcool, le sexe à outrance, la propagande des symboles Lgbt+, y compris le port du brassard arc en ciel, symbole Lgbt, et à même obligé la Fifa à s'y soumettre. Tous les pays qui ont refusé spontanément de s'y soumettre l'ont fait sous la contrainte et l'occident a dû céder, la queue entre les jambes.

Ultime humiliation, Doha a choisi pour sa cérémonie d'ouverture la sourate du Coran qui stigmatise le mariage Lgbt en faisant la promotion du modèle familiale basé sur le principe d’un homme et d’une femme.

Il y a, sans doute, du vrai dans ce filet de reproches. Le régime qatari n’est pas formé d’enfants de chœur. Il opère selon une logique froide d’intérêts bien compris qui, parfois, le pousse à utiliser des procédés à la lisière de la légalité. Mais il ne faut pas être dupe. La rage de certains pays occidentaux et de leurs médias rend compte d’une inquiétude primale: celle de voir les vieux équilibres de pouvoir vaciller.

À la faveur d’un mouvement de balancier vers l’Est, la domination traditionnelle du bloc de l’Ouest subit un effritement de plus en plus rapide. La montée en puissance de la Chine, dont la zone d’influence s’étend désormais de l’Asie du Sud-Est jusqu’en Afrique en passant par la Russie, fait craindre à l’Occident la formation d’un nouvel ensemble d’alliés contrôlant des ressources énergétiques et militaires importantes.

Dans ce troisième millénaire, contrairement aux prédictions de Francis Fukuyama, la chute du mur de Berlin est loin d’avoir sonné la fin de l’histoire. C’est, au contraire, une nouvelle histoire géopolitique qui se dessine. Dans laquelle les vieilles hiérarchies sont atomisées par de grands pays émergents, peu impressionnés par le libéralisme à l’occidentale, et soucieux de pratiquer leur propre version de la démocratie. Et ce, sans craindre les bons ou les mauvais points venant du grand frère occidental.

La peur des pays émergents.

La diatribe de Gianni Infantino, remet les pendules à l’heure en s’adressant à ses compatriotes Européens qu’ils devraient s’excuser pour les “3000 prochaines années pour ce que nous avons fait au cours des 3000 dernières années”.

A l’aune de la guerre en Ukraine et ses conséquences géopolitiques, le Qatar, désormais épicentre du Moyen-Orient et même au-delà est plus que jamais dopé par ses gisements d’énergies fossiles.

L’Occident, apeuré par ces petites germes qui rêvent de grandeur et d’égalité avec les grandes puissances, se braque. Plus que jamais, il plaque son propre système de valeurs sur celui de pays arabes et musulmans comme le Qatar. Pourtant, ces attaques répétées n’ont pas entamé l’intérêt suscité par la compétition, y compris en Occident. Preuve en est: en France où le mouvement de boycott du Qatar a été l’un des plus virulents, le match des Bleus contre l’Argentine en finale de ce Mondial a rassemblé 28 millions de téléspectateurs. Un record! Le vieux monde pousse des râles de frustration, tandis qu’un nouveau monde émerge de sa chrysalide. Imparfait certes, mais bel et bien là.

La leçon que l’on doit tirer de ce mondial est qu’il est impératif que l'Occident abandonne ces prétentions qui lui font croire qu'elle fait tout mieux que tous les autres peuples. Que seules ces valeurs sont bonnes et les autres des barbares. Elle est irréversiblement révolue l'époque du supposé "fardeau de l'homme blanc" et ils doivent s'y faire de gré ou de force.

Bons baisers de Qatar!

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